Accident de poids-lourds traversant les glissières du terreplein central d'autoroute
Résumé.
Il est fréquent que des véhicules lourds franchissent le terreplein central (TPC) d'une autoroute ou d'une route à chaussées séparées, équipé de glissières métalliques et percutent de front les véhicules circulant sur la voie opposée. Beaucoup de glissières métalliques équipant les terrepleins centraux sont au standard de la circulaire du 9 mai 1988 : elles sont conçues pour retenir un véhicule de 1250 kg seulement.
Les arrêtés du 2 mars 2009 et 28 août 2014 , fixent des niveaux de performance supérieurs pour les dispositifs de retenue, (métalliques ou béton) qui permettent de retenir des véhicules de plus de 10 tonnes, mais leur application n'est prévue que pour "les nouvelles mises en service de dispositifs de retenue, ou pour des travaux d’aménagement routiers dont l’emprise englobe des dispositifs existants ou des travaux de réhabilitation sur un linéaire important." Le risque de franchissement d'un poids-lourd va donc durer encore assez longtemps.
Les glissières en béton sont beaucoup plus résistantes que les glissières métalliques et sont capables d'empêcher le franchissement du terreplein central par la plupart des poids-lourds, certaines autoroutes françaises en sont pourvues. Elles présentent, en plus, d'autres qualités.
Compte tenu des risques importants liés aux fortes vitesses pratiquées sur les autoroutes et voies express (110 km/h ou plus) et de la gravité des accidents de franchissement des terrepleins centraux (3, 4 ou 5 morts), IL EST CLAIR QUE TOUTES LES NOUVELLES GLISSIÈRES OU LES REMPLACEMENTS DE GLISSIÈRES EXISTANTES SUR TPC DOIVENT ÊTRE DES GLISSIÈRES BÉTON, afin que très vite il n'y ait plus de glissières métalliques sur les terrepleins : les glissières métalliques ont leur place sur les accotements et y remplissent très bien leur fonction
Sur le lien ci-après vous trouverez le même dossier que le présent dossier ci-dessous : Accidents de franchissement du terre plein central
Analyse détaillée des accidents de franchissement des glissières centrales par les véhicules lourds.
Il arrive souvent que des poids-lourds ou des véhicules de grand gabarit franchissent le terreplein central (TPC) d'une autoroute ou d'une voie express équipé de glissières métalliques et percutent de front les véhicules circulant sur la voie opposée. Pour ces véhicules venant en sens inverse, l'accident est imparable du fait des vitesses élevées et de la soudaineté de l'apparition du véhicule franchissant le terreplein. Les automobilistes qui sont très proches du point de franchissement n'ont le temps d'amorcer aucune manœuvre d'évitement : ils sont entièrement tributaires de la trajectoire incontrôlée du véhicule traversant. Selon les cas, le véhicule qui est percuté est celui qui circulait sur la file de gauche (accident de Lespignan) ou celui qui circulait sur la file de droite (accident de Gigean), il serait donc hasardeux de donner des consignes de rouler plutôt à droite ou plutôt à gauche pour éviter d'être percuté par un poids-lourd traversant.
D'abord la liste de 11 accidents mortels de franchissement du terreplein central équipé de glissières métalliques + 1 de glissières béton
--- Le 18 juillet 2018 - 3 morts. Près d’Avignon, sur l'autoroute A7 un poids-lourd a traversé le terreplein central muni de glissières métalliques et a percuté plusieurs voitures en sens inverse sur l’A7. D'après les premières constatations, le pneu avant gauche du camion aurait éclaté et de ce fait le conducteur aurait perdu le contrôle du véhicule. Le feu a pris dans plusieurs véhicules.
--- Le 8 décembre 2016 – 3 morts. Près de Châteaulin, sur la route express, un camping-car se déporte sur la gauche, heurte et défonce la glissière de sécurité métallique, traverse le terreplein central et se retrouve sur la voie opposée où il percute de front trois véhicules circulant dans l'autre sens. On déplore trois morts : deux dans une des voitures percutées et le conducteur du camping-car, ces deux véhicules ont pris feu après la collision.
--- Le 22 juillet 2016 – 3 morts. À Fleury-d’Aude, sur l’autoroute A9, un minibus, qui transportait une remorque, a été percuté par l’arrière par un autre véhicule, il a traversé le terre-plein central, s'est retrouvé sur l'autre voie à contresens et a percuté trois véhicules.
--- Le 25 avril juillet 2014 – 5 morts. À Ménil-la-Horgne, près de Saulvaux, sur la RN 4 (2x2 voies), un poids-lourd a traversé le terreplein central et a percuté sur la voie opposée, une voiture ayant à son bord deux sœurs accompagnées de trois enfants, deux filles de 13 et 7 ans, un garçon de 7 ans, tous ont été tués : 5 morts plus le père qui s'est suicidé dès l'annonce de l'accident. La vitesse du poids-lourd était de 83 km/h et aucune trace de freinage n'a été relevée. Le conducteur du poids-lourd 35 ans était drogué, récidiviste, il a été condamné à 7 ans de prison.
--- Le 24 juillet 2014 – 2 morts. À Blussans, sur l'A36, un poids-lourd traverse le terreplein central, enfonçant les glissières métalliques et percute sur la voie inverse deux poids-lourds - 2 morts. Cause de la déviation du poids-lourd : éclatement du pneu avant gauche.
--- Le 28 juin 2014 – 1 mort. À Verdun sur l'autoroute A4, un camion s’est déporté sur la gauche, a franchi le terre-plein central en défonçant les glissières de sécurité, puis s’est retrouvé dans les voies où les véhicules circulaient dans l’autre sens : un mort et des blessés. Cause probable de la déviation : endormissement ou malaise.
--- Le 14 septembre 2011 – 2 morts. À Loupian un poids lourd circulant sur l’autoroute A9 se déporte brusquement vers la gauche. Il heurte un véhicule léger qui le dépassait, puis traverse le terre-plein central de l’autoroute et percute un poids lourd qui venait en sens opposé. Deux voitures particulières viennent ensuite heurter les poids lourds accidentés. La cause directe de cet accident est l’éclatement du pneumatique de la roue avant gauche de l’ensemble routier percuteur.
--- Le 2 août 2010 – 4 morts. À Lespignan entre Béziers et Narbonne, sur l'autoroute A9, un poids-lourd a traversé le terre-plein central, s'est couché et a percuté quatre voitures qui circulaient dans l'autre sens. Dans deux d'entre elles 4 morts : un homme et un enfant. La cause parait être l'éclatement d'un pneu.
--- Le 24 mars 2008 - 7 morts. À Gigean, sur l'autoroute A9, un minibus traverse le terre-plein central après avoir brisé les glissières de sécurité et se fait heurter par une voiture circulant en sens inverse. La cause de cet accident est la perte de contrôle du minibus par son conducteur due à une hypovigilance favorisée par l'alcoolémie (plus de 1 g). Le conducteur, non jeune, n'était pas titulaire du permis de conduire. Le minibus roulait à environ 120 km/h, il a fait une brusque embardée à droite puis il a brusquement braqué vers la gauche en dérapage, puis a franchi les glissières centrales avec une trajectoire dont l''angle est de15° à 18°. À cet endroit la glissière est équipée en dispositif d'interruption de terre-plein central démontable. Beaucoup de passagers ont été éjectés et tués du fait du manque du port de ceintures de sécurité, bien que le minibus en fût équipé.
--- 22 juillet 2008 – 2 morts. Près de Béziers sur l'autoroute A9, un poids-lourd a été percuté à l'arrière par une voiture. Un second poids-lourd qui circulait dans le même sens a donné un coup de volant à gauche pour éviter la voiture et de ce fait a traversé le terreplein central et les glissières de sécurité, percutant sur l'autre voie, une voiture dont les passagers ont été éjectés et deux sont morts.
--- 18 mars 2002 – 7 morts. Près de Metz sur l'autoroute A31, un camion italien, a franchi le terre-plein central et a percuté un car néerlandais, qui circulait en sens inverse. Cinq tués dans le car et deux dans le poids-lourd.
--- 4 Juin 2005 - 5 morts entre Bollène et Mondragon sur A7 – un camion frigorifique espagnol transportant des fruits et légumes s'est renversé sur glissière béton. Le poids-lourd a commencé par se renverser sur la glissière, puis est retombé de l'autre côté en écrasant des voitures et en prenant feu..
Quel est le tonnage des véhicules pouvant être retenus par des glissières métalliques ?
Norme de 1988. Une grande partie des autoroutes ou de routes à chaussées séparées existantes actuellement en France sont équipées de glissières métalliques répondant à la norme N1 de la circulaire du 88-49 du 9 mai 1988, elles sont à ce titre, conçues pour retenir un véhicule de 1250 kg les heurtant à 100 km/h sous un angle de 20° ou à 80 km/h sous un angle de 30°. Si l'angle est plus fort, ou la vitesse plus grande, ou le véhicule plus lourd, il risque de défoncer la glissière, de traverser le terreplein central et de se retrouver sur la voie opposée.
Nouvelle normes de 2009. La norme européenne EN1317 a été reprise en France par l'arrêté du 2 mars 2009, puis du 28 août 2014, qui renforce les performances exigées pour les dispositifs de retenue (glissières) : ils permettent pour les autoroutes et voies express à 2x2 voies, de retenir des véhicules plus lourds, par exemple de 10 à 13 tonnes. Avec cette nouvelle norme les minibus, les camping-cars et les camions de moins de 10 tonnes seraient donc retenus sans traverser le terreplein central, sauf dans les cas exceptionnels de vitesse ou d'angles trop forts. Par contre, pour les poids-lourds de plus de 10 tonnes et les autocars de taille habituelle, le risque de défoncer la glissière et de traverser le terreplein central subsiste.
Le rapport du BEA-TT concernant l'accident de Lespignan du 2 août 2010 précise la portée de ces deux normes : "Il est à souligner que si des glissières de sécurité satisfaisant les exigences de l’arrêté du 2 mars 2009 auraient vraisemblablement retenu le minibus accidenté à Gigean, elles n’auraient très probablement pas empêché, au regard de son poids très supérieur à 13 tonnes, l’ensemble routier de franchir le terre-plein central de l’autoroute A9 le 2 août 2010 à Lespignan."
Les nouvelles dispositions fixées par l'arrêté de 2009 sont applicables aux voies nouvellement mises en service, mais pour les voies déjà en service, la mise en conformité n'est obligatoire qu'en cas de travaux d'aménagements importants impliquant les emplacements des dispositifs de retenue. De ce fait, une grande partie des glissières métalliques en place sur les autoroutes ou voies express actuellement en service répondent aux anciennes spécifications de 1988 c’est-à-dire ne pouvant retenir qu'un véhicule de 1250 kg heurtant la glissière à 100 km/h sous un angle de 20 degrés.
Il est évident néanmoins que la majorité des poids-lourds heurtant la glissière ne traversent pas le terreplein central car souvent leur vitesse au moment du choc ou l'angle de choc sont moins forts. Plus précisément, une étude de l'INRETS basée sur les accidents constatés sur treize années (1985 à 1998) sur les autoroutes A7 et A9, a montré que 8,6% des poids-lourds ayant heurté la glissière avaient franchi le terreplein central et se retrouvaient sur la voie opposée. Pour les voitures cette proportion est seulement de 0,5%.
Les avantages des glissières béton
Les glissières en béton sont capables d'empêcher le franchissement du terreplein central par la plupart des poids-lourds, certaines autoroutes françaises en sont pourvues. Certains pays, par exemple les États-Unis, le Luxembourg, équipent systématiquement les terrepleins centraux des autoroutes de glissières en béton.
Le seul inconvénient des glissières béton est que le choc subi par les occupants des véhicules est un peu moins amorti qu'avec les glissières métalliques car elles ne s'inclinent ni ne se déforment lors du choc. Par contre, comme les glissières métallique, les glissières béton retiennent bien les véhicules sans trop les faire rebondir sur les autres voies de la chaussée car la forme des glissières béton est conçue pour maintenir le véhicule heurtant sur sa voie en le redirigeant vers la chaussée : pour ce faire, le talon inférieur de la glissière béton est incliné et supporte la roue du véhicule permettant ainsi au véhicules de conserver sa trajectoire tout en le ralentissant, ce qui ne présente qu'un danger faible pour les automobilistes suiveurs car ils voient bien devant eux le véhicule en difficulté et ont le temps de réagir, et si une collision se produit elle a lieu entre deux véhicules qui roulent dans le même sens est incomparablement moins meurtrière qu'un choc frontal qui se serait produit si le véhicule avait franchi le terreplein central.
Le plus grand avantage des glissières en béton est qu'elles sont pratiquement infranchissables par les poids-lourds, sauf cas exceptionnels et il est très rare que des graves accidents de franchissement se produisent avec des glissières béton, c'est néanmoins arrivé le 4 Juin 2005 sur l'A7 entre Bollène et Mondragon : le poids-lourd a commencé par se renverser sur la glissière, puis est retombé de l'autre côté en écrasant des voitures et en prenant feu (5 morts). (je n'ai pas pu trouver plus de détails sur cet accident).
La photo ci-dessous montre un exemple de renversement n'empiétant que très peu sur la voie adverse
Les glissières béton sont un peu plus onéreuses à la construction mais cette dépense est très largement rattrapée par la suite car elles ne nécessitent pas de travaux d'entretien ni de travaux de réparation après un choc, donc moins de risques d'accidents de chantier à l'occasion de ces réparations et moins de dépenses. On leur attribue l'inconvénient de présenter une fragmentation écologique et d'être ainsi un obstacle au déplacement des espèces vivantes, mais l'autoroute, par elle-même constitue déjà une fragmentation.
Les raisons des pertes de contrôle entrainant la déviation de véhicules lourds vers le terreplein central.
La vitesse l'alcool. Les deux facteurs alcool et vitesse se retrouvent de façon générale dans tous les accidents mortels sur autoroute. Les statistiques de 2015 pour les autoroutes concédées font ressortir que le facteur vitesse (excessive ou inadaptée) est présent dans 32,4% des accidents mortels et le facteur alcool (et drogue) est présent dans 25% des accidents mortels.
Les pneus. L'éclatement du pneu avant gauche est une des causes de la déviation d'un véhicule lourd vers le terreplein central. Plusieurs raisons peuvent provoquer l'éclatement d'un pneu : le sous gonflage, l'usure, le montage de pneus différents des deux cotés, les défauts de conception ou de fabrication : des défauts sont parfois constatés par le manufacturier lui-même et dans ce cas il rappelle les pneus concernés pour un échange, mais les "pneus sous rappel" ne sont pas toujours suivi de remplacement du fait d'information trop discrète ou trop tardive.
FIN - Jacques ROBIN ingénieur routier, accidentologue
